Centrafrique : Derrière la crise humanitaire et sécuritaire, une crise économique grave se profile

Radio Siriri April 2, 2014 0

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Par Magloire Lamine 

Une année durant, les enquêteurs de ‘l’Observatoire Centrafricain Economique Et Social’ ont écumé la Centrafrique pour faire des relevés statistiques.
Notant les dégradations des situations sociales et sécuritaires, mais surtout, agrégeant les fluctuations des prix des marchandises sur les marchés dans le pays.

Une enquête globale de terrain que même la Banque Mondiale est incapable de faire, car ne réfléchissant que sur des projections et des données statistiques spéculatives, qui pourtant, font références mondialement.

LE SEUIL DE PAUVRETE

La notion de pauvreté monétaire est difficile à cerner avec précision, car n’étant que estimation culturelle basée sur des références occidentales ne saurait être prise en compte.

Ce qui est pauvreté pour un européen peut être richesse pour un africain.
Quand l’européen estime son seuil de richesse à l’aune de la matérialité accumulée, l’africain lui raisonne en termes de bonheur vécu et partagé.
Terme encore flou, tant il est inestimable.
Toutefois, les credos de la Banque mondiale estiment qu’en dessous de 2 $ par jour, l’on est pauvre.
Ce qui en soit ne tient pas compte de la ‘manière de vivre des gens”.
Si 2 $ par jour aux USA c’est pauvreté, en Centrafrique, cela reste malgré tout un revenu, tant le problème n’est pas le chiffre en soi, mais sa constance et sa régularité.
Les gens ne disposent pas de 2 $ par jour pour vivre, c’est une synthèse globale, qui finalement ne veut rien dire.

CRISE ECONOMIQUE

Nous nous réjouissons d’avoir noté que l’ONU ait repris nos chiffres sur le niveau de l’inflation en Centrafrique pour l’année 2013.
Une moyenne de 23% sur les marchés, tous chiffres pondérés.
Mais à comparer pour une compréhension, avec la régularité des rentrées des revenus des ménages.

Et par exemple à Bangui, outre la pénurie, les prix du boeuf au kilo et des produits de première nécessité ont fait un bond en moyenne de 60%.
Du fait de la crise dans le pays, les circuits habituels de fourniture de marchandises et de distribution sont rompus.
Les bergers Mbororos ne peuvent plus comme à l’accoutumée, fournir les marchés banguissois en viande de bœuf, ni même dans le reste du pays.
Et les commerçants musulmans, contribuant à près de 60% dans la vie de l’économie centrafricaine, dorénavant absents par force font cruellement défaut et pour longtemps.
Le quartier du KM5, poumon de l’économie de la capitale est à l’arrêt.

Enfin, si les importations essentielles du pays passant habituellement à 70% par le Cameroun restent toujours sujets à risque, elles ont chuté de 80%.
La Centrafrique est asphyxiée, vivant en apnée, désormais dépendant du bon vouloir des ONG internationales.

Le budget de l’état, habituellement estimé à 250 millions d’euros et chroniquement déficitaire depuis des années, est passé en exigence à plus de 800 millions d’euros, pour ne serait-ce que remettre les choses à plat.

Le Trésor national accuse un déficit cumulé sur 10 ans, de plus de 2 milliards d’euros.
Ce qui automatiquement stoppe toute politique de relance de l’économie.
Niveau de relance d’autant plus difficile à estimer que la référence monétaire est inutile.
Le principe du Franc CFA, hors contrôle de l’Etat, n’autorise pas des analyses sérieuses ni des projections réflexionnelles.
Car sa fausse stabilité est diluée dans une parité fixe et hors sol d’avec désormais l’euro.
Conséquence, les suites économiques ne peuvent s’estimer que sur les marchés de marchandises et les niveaux des imports et exports.
La Centrafrique dépendant à quasiment 100% de l’extérieur est pratiquement un pays mort.
Ses exportations sur les 3 dernières années ayant chutées de – 250% en font un chantier de désastre.

QUEL VOLANT ECONOMIQUE DE MANOEUVRE ?

La sortie de la grave crise centrafricaine ne dépend pas, comme le souhaite la France, pour de suspectes raisons, des élections.
Faire des élections là pour croire s’en sortir n’est que miroir aux alouettes.
C’est aussi ridule que de croire au Père Noël.
Catherine Samba-Panza, et après elle, X, Y, ou Z, rien ne changera. Car la pauvreté perdurera.

Soutenir l’actuelle situation, à travers différentes aides internationales est une chose, mais cela reste de la survie, de la compensation, pas une politique sur du long terme.

Sans sécurité dans le pays, sans de gros efforts de stabilisation sociale, il est inutile d’investir en RCA à fonds perdus.
L’économie étant ennemie de la déstabilisation.

La relance agricole ? Nous y sommes.
Le bilan de 2013 dit que la production agricole de ce pays à 80% paysan a chuté de 95%.
En gros, les paysans n’ont rien pu faire depuis la crise des Séléka.
Ce qui aura pour conséquence de déplacer la crise alimentaire en RCA pour encore au moins deux années.

En conclusion est-ce dans un tel climat qu’il faille postuler pour des élections en février 2015 comme si ce serait la panacée de tout ?
C’est absurde et irréaliste.
Car étant donné la situation de dérégulation à tous les niveaux dans le pays, la France, car c’est bien elle qui l’exige, si l’on fait des élections en RCA en 2015, ce ne serait que faussé, biaisé.
Alimentant la propagande des plus riches candidats face à une population terriblement paupérisée, et facilement manipulable pour 3 francs 6 sous.
Et l’élu ne sera que le plus riche, pas le plus compétent.

Il ne peut pas avoir des élections crédibles en Centrafrique, tant que sa situation sécuritaire ne sera pas stabilisée.

Prince Magloire LAMINE

LE MANS – FRANCE 2 avril 20104

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