REPORTAGE EXCLUSIF – INSIDE LA VISITE DE SAMBA PANZA A BOUAR

Radio Siriri May 15, 2014 0

Mis à jour Sofia Van Den Broeck | LNC

La présidente « fête » ses 100 jours à Bouar dans un climat mitigé

BOUAR (RADIO SIRIRI) — Improvisations et défaillances dans le système protocolaire.
Samedi 26 avril, une équipe des autorités administratives locales s’est rendue au couvent Saint Laurent en vue de demander une possibilité d’hébergement d’une délégation ministérielle pour la visite de la présidente de transition Mme Samba Panza, car aucune structure hôtelière digne de ce nom n’existe à Bouar.

Accord de principe leur a été donné pour héberger dix personnes.
Mais quand il s’est agit d’avoir une idée sur la durée du séjour (jour d’arrivée/jour de départ), c’est fut tout un mystère.
Et la veille de l’arrivée de la présidente, les religieux ont attendu jusqu’à 22h ces illustres personnalités sans voir personne se présenter au portail.
Aucun coup de fil, aucun membre de comité d’organisation locale ne s’est présenté pour signifier qu’ils ont trouvé mieux ailleurs chez des parents se trouvant en ville.
C’est rare d’entendre un chef de protocole dire : « Désolé, nous décommandons la réservation… etc. etc.… »

Et quand la presse cherche à avoir le programme et les noms des ministres 72h plutôt pour faire de la sensibilisation, le ton glacial pour répondre lui donne l’impression d’avoir commis quelque imprudence en posant ce genre de question.
Ce fut comme s’il ne s’agissait pas d’un voyage officiel mais plutôt d’un déplacement privé entre copains en vue de déguster un bon barbecue, et qu’il fallait tout faire pour écarter le plus de monde possible.
Les journalistes furent purement et simplement ignorés lors de la rencontre avec les ministres.

A 18h du jeudi 1er mai, l’ambulance de l’hôpital s’arrêta devant les locaux d’une station locale.
Curieusement, au lieu de voir un membre du personnel de santé se présenter pour un communiqué, c’était le sous-préfet de Bouar qui a emprunté le véhicule pour venir demander l’autorisation d’obtention d’une tranche d’antenne (gratis) afin de « demander à toutes les populations chrétiennes et musulmanes de se rendre massivement le lendemain pour applaudir et accueillir la Présidente de transition. »
Mais à la question du directeur de la station qui voulait savoir combien de membres du gouvernement sont arrivés, sa réponse a été évasive.
Il a préféré répondre entre les dents avec une voix presqu’inaudible : « J’ai noté six ou sept ministres… »

Or, vers la fin de l’après midi de ce jeudi, les ministres ont programmé de rencontrer différents représentants des différentes couches sociales de la ville de Bouar. Mais là aussi, les entités ont été triées pour participer à cette rencontre qui a eu lieu de la Nana Mambéré sans pour autant convier la presse locale qui avait aussi son mot à dire; et ce, à quelques heures seulement de la célébration de la journée internationale dédiée à la communication.
Les journalistes ont été tout simplement ignorés comme partout ailleurs dans le pays de Boganda.
Et pourtant le métier du journaliste (métier combien délicat et risqué) qui leur semble si vil et si méprisant a paradoxalement le pouvoir de transformer un inconnu en une vedette nationale et même planétaire…

Des correspondants et des radios locales
A Bouar, en plus du correspondant de la radio rurale (Radio Centrafrique devenue « radio Bangui »), il y a aussi le correspondant de la Radio Ndekeluka, la radio Maïgaro, une petite station locale émettant sur un rayon de 3km de diamètre à vol d’oiseau et qui vivote malgré les nombreux appuis logistiques et financiers reçus de la part de RFI et de l’Union Européenne ; et enfin la Radio Siriri, la diocésaine qui est écoutée jusque dans le diocèse de Batouri (Bertoua) au Cameroun et dont l’audience ne cesse d’augmenter et frôle désormais les 95 %.
N’eût été les troubles politico-militaires de ces dernières années, la Radio Siriri serait devenue la Radio Télévision Siriri, ce qui serait une première en Centrafrique. La licence ainsi que les matériels sont là, il ne manque plus que la stabilité dans le pays ainsi que l’électricité pour commencer à émettre ne serait-ce que pour couvrir la ville de Bouar.
Le jour J : conflits de compétence entre chefs de protocole
L’équipe de protocole de Bouar, ainsi que le comité d’accueil s’embarrasse depuis un certain temps.
Motif, on ne leur a pas remis le programme du déroulement de la visite comme cela se fait à l’accoutumé.
Puis au bout d’un moment le chef de protocole venu de Bangui a signifié vertement à son homologue que « tout est organisé à Bangui et que vous de Bouar n’êtes pas concernés. Et nous n’avons pas besoin non plus des filles d’accueil pour la circonstance, encore moins d’une haie d’honneur d’un groupe de filles d’accueil… »
Et pour conclure son discours il a sorti d’une poche de sa veste un bout de papier quadrillé sur lequel est écrit à main levé le programme tant attendu.
Néanmoins la haie d’honneur des filles d’accueil a été maintenue.

11h00 arrivée de Madame la Présidente de transition Catherine Samba Panza.
Quelque 400 personnes ont attendu dès 7h du matin sur la place de la République comme le leur ont demandé les autorités administratives locales afin « d’applaudir et d’accueillir la présidente ».
Différentes associations de femmes ont répondu présentes ainsi qu’un petit groupe représentatif de lycéens.
La grande surprise de ce jour-là vint des forces armées centrafricaines (FACA), un groupe de soldats sans armes sortis d’on ne sait d’où pour un grand rapport à côté d’un groupe de gendarmes et policiers.
Ce qui donnera l’occasion aux badauds de chahuter la présidente durant son discours pour « exiger le réarmement immédiat des militaires, gendarmes et policiers. »
Rusée, elle a su récupérer leur coup de gueule afin de fournir une réponse appropriée.
Les dispositifs de sécurités étaient impeccables. Le centre de la ville était quadrillé par les forces internationales et les policiers locaux.
Personne ne pouvait traverser la ville ni se balader comme il le voulait. Des hélicoptères légers ont commencé à intensifier des tours dans le ciel dès 9h du matin jusqu’au début de l’après midi.

Au bout de quatre heures d’attente sous un soleil torride, la présidente arrive à 11h05 sous les youyous et les cris d’applaudissements d’une foule heureuse.
Tout d’un coup les populations sont sorties pour converger vers la place de la manifestation afin d’accueillir leur présidente « ti kete ngoé » (transition en sango ).
Mais on peut lire facilement sur leurs visages les traits de souffrances, de peur d’un lendemain incertain, et d’un désir de tourner le plus vite possible cette page dramatique et douloureuse de l’histoire contemporaine de la Centrafrique.
D’où leur cri de détresse et leur réaction peu courtoise durant le discours de la présidente. Car ils n’ont pas trouvé assez concret et incisif, le discours de M. Goffi, le maire par intérim de la ville de Bouar qui se contenta de parler de la sécurité et de détonation d’armes sans rentrer dans le détails alors qu’au niveau de la frontière avec le Cameroun, les voyageurs sont continuellement harcelés et dépouillés de leurs biens et argent malgré la présence des forces internationales.

Discours d’une femme présidente qui se dit avant tout « mère », discours d’une femme d’état.
Mme Samba Panza, la Présidente de Transition a mis l’accent sur la question sécuritaire sur toute l’étendue du territoire nationale, le réarmement des forces armées centrafricaines, la relance des activités économiques et pédagogiques.
Elle a promis également des enveloppes à quelques entités telles : l’Inspection académique (5000 000CFA) pour la réfection des écoles, à la Jeunesse de Bouar (1000 000CFA) pour les encourager, et 2000 000CFA aux femmes rurales, aux retraités et aux handicapés (les montants n’ont pas été précisés).
Mme Samba Panza, s’exprimant en sango la langue nationale, mêle à la fois le ton d’une mère de famille et avec celui de chef suprême des armées. « Mes fils de Nana Mambéré ! (Applaudissements)… Mes petits enfants de Nana Mambéré ! (Applaudissements)… » Et puis à un moment donné, une partie de la foule commence à la chahuter lorsqu’elle essaie de faire l’éloge des forces internationales.
A ce point-là elle hausse le ton. « Quand une mère parle il faut se taire pour l’écouter ! Quand un personnage important parle, il faut l’écouter, il faut le respecter ! » Et puis elle enchaîne : « Je suis le chef suprême des armées. C’est pourquoi je tiens à réarmer les militaires, les gendarmes et les policiers. C’est moi qui les commande…» Puis elle fustige les ennemis de la paix : « il y a des armes qui continuent de rentrer dans le pays, il y a des munitions qui rentrent à bord de mototaxis, de camions, à dos de cheval ou d’âne. Il faut être vigilant ! »
Vers la fin du discours elle explique le motif de sa visite et en même temps le regret de n’avoir pas assez de temps car c’est l’ambassadeur de la France qui a mis à sa disposition son avion. « Je suis venu encourager la population de Bouar et de Nana Mambéré en général. Car c’est l’unique ville de la Centrafrique où les maisons tiennent encore de bout, où chrétiens et musulmans continuent de cohabiter pacifiquement, où les femmes continuent de vaquer à leurs travaux champêtres… »

Et la cérémonie s’est conclue à la résidence du préfet autour d’un buffet où l’on pouvait remarquer deux groupes bien distincts, le premier avec la présidente à l’intérieur et sur la terrasse; et le second constitué des maires de communes, de chefs de quartiers et autres fonctionnaires. Le côté cocasse de ce buffet c’est que le second groupe (notamment quelques chefs de quartier et maires) a du mal à se contenir et s’est rué sur le barbecue au point faire disparaître en un rien de temps ces petits morceaux de viande passés à la braise.
D’une main, qui la bouteille de jus, qui la bouteille de bière, qui la bouteille de vin et de l’autre main les morceaux de viandes. Et c’est ainsi que les cents jours ont été fêtés et clos chez le préfet de la Nana Mambéré aux alentours de 14h.

© Mai 2014 RADIO SIRIRI

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