EXCLUSIF ! Comment Camille Lepage a été assassinée !

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Camille Lepage

Jean Marius ZOUMALDE

BOUAR (RADIO SIRIRI) — Tuée dans une embuscade tendue par des seleka vers Gbambia.

Camille Lepage était partie de Bangui pour se rendre dans la zone allant de Hamadagaza (sous-préfecture de Carnot) à Abba (Nana mambéré) afin de faire des reportages sur les Anti-balaka de la zone en passant par Berberati.
Elle a réalisé des interviews et fait des photos pouvant donner un autre regard sur ces différents groupes d’autodéfense constitués en majeur partie par des villageois dans la zone ouest de la Centrafrique.

Ce dimanche 11 mai, elle a décidé de se rendre au village Gbambia près de Gbiti, la localité voisine camerounaise pour un autre reportage.
Elle était partie accompagnée par des Anti-balaka à moto. Les premières motos du convoi étaient à peine passées que des seleka ont surgi de la brousse pour ouvrir le feu sur les dernières motos du convoi tuant ainsi la journaliste et quatre anti-balaka se trouvant en position fin de convoi.
Les tueries ont eu lieu à 16 h de ce dimanche 11 mai à 135 Km de Abba soit à environ 270 Km de Bouar.

Milabé John, le « Comzone » des anti-balaka de Hamadagaza dit ceci au micro de Radio Siriri :
« Il y a des seleka lourdement armés qui possèdent des F17, des DKM, des mortiers, des AK47 et qui continuent de sillonner dans la brousse entre Carnot et la sous-préfecture de Abba. Nous avons remarqué qu’ils ont aussi les mêmes types de mitrailleuses lourdes que la Sangaris utilise sur ses blindés.
Ils ont brûlés des villages avec des familles décimées, enfermées dans leurs maisons… Camille Lepage est venue nous trouver pour faire des reportages sur les anti-balaka.
Elle était restée avec nous et enregistrait toutes nos activités. Elle a filmé toutes les attaques des seleka contre notre base et elle a tout enregistré. Ce matin du dimanche 11 mai, les seleka sont venus nous attaquer très tôt le matin.
Quand elle nous a demandé de l’accompagner à Gbambia afin de boucler son reportage, nous avons de décidé de ne pas la laisser partir seule mais de l’escorter… Nous venons de dépasser le village Ngambongo lorsque les seleka nous ont attaqués.
Nous avons rebroussé chemin pour voir ce qui s’est passé suite aux coups de feu entendus. Et nous avons vu les corps sans vie de quatre de nos frères ainsi que celui de la journaliste qui est venue nous trouver afin de rétablir la vérité.
Mais nous leur avons tenu tête malgré nos moyens limités car nous combattons sous la bannière de notre pays… Les assaillants ont ramassé tous les appareils qui étaient sur eux et sont repartis dans la brousse avec… Et nous avons aussi récupéré certaines de leurs armes… Nous ne sommes pas des mercenaires, vous voyez !
Nous ne sommes pas des braqueurs non plus. C’est pourquoi nous avons décidé de récupérer le corps de Camille ainsi que ceux de nos frères pour prouver à la Sangaris que nous ne sommes pas des bandits. Pourquoi la Sangaris veut-elle toujours nous désarmer ?
Si la Sangaris est incapable d’aller travailler dans la brousse, au lieu d’armer les seleka de cette zone, qu’elle nous donne les moyens pour défendre nos parents, notre terre.
Nous avons risqué notre vie pour récupérer les corps sans vie et de la journaliste et de nos frères et malgré cela, les sangaris nous ont désarmés. Comment allons-nous faire pour défendre nos parents ? Nous souffrons moralement et psychologiquement.

Nous pleurons profondément la mort de Camille Lepage. Car s’ils ne l’ont pas tuée, le monde entier saura enfin la vérité sur le travail que nous sommes en train de faire dans l’ombre malgré nos moyens limités. Mais tôt ou tard, le monde entier saura la vérité.»

Les premières nouvelles parvenues à Bouar aux environs de 15h du mardi 13 mai étaient qu’il y avait eu des affrontements à Galo entre seleka et anti-balaka, d’autres disaient qu’il s’agissait d’affrontements entre éléments de la Sangaris pris en flagrant délit de vol de métaux précieux à l’état brut et un groupe d’anti-balaka.
Radio Siriri, s’approchant d’Achille Hamazoudé, le Comzone des anti-balaka de Galo a recueilli comme information ceci:
« La population a barricadé la route pour protester contre le désarmement par la Sangaris des anti-balaka qui ramenaient les corps sans vie de leurs fils, frères ou pères ainsi que le corps de la journaliste française.
Car elle trouve injuste ce genre de méthode. Finalement nous avons trouvé un accord et nous avons accompagnés les 5 corps sans vie jusqu’à Bouar… Dernièrement le Cameroun à travers la BIR (Birgade d’Intervention Rapide) a bloqué 120 jeunes musulmans armés voulant traverser la frontière pour venir mettre à feu et à sang les villages frontaliers centrafricains. Il faut que le ministre de la Défense ouvre les yeux sur cette partie du territoire avant qu’il ne soit tard… Nous nous battons pour la défense de notre région et la Sangaris tient à nous désarmer. C’est pas bien ! Les autorités de Bouar doivent prendre de nouvelles mesures pour éviter qu’il y ait des troubles jusque dans le chef lieu de la préfecture. »

L’urgence en ce moment est que l’ONU prenne des mesures drastiques et accélère le processus de DDR et que le gouvernement assume sa responsabilité pour la protection civile ainsi que la protection de tout étranger se trouvant sur le territoire centrafricain.
Comme dit cet observateur ayant requis l’anonymat : « En Centrafrique, on a l’impression de voir un pays transformé un immense champ de défis à succès. Il y a les forces internationales d’une part, il y a les humanitaires d’autres part et chaque camp veut faire voir les points marqués; mais aussi et surtout des bandes armés qui ne sont pas prêtes d’enterrer la hache de guerre et rivalisent de cruauté et de barbarie et dépit des résolutions 2121, 2127 et 2149.
Les analphabètes n’ont aucune considération pour les papiers signés et paraphés en bonne et due forme. L’heure n’est plus à de discours humanitaires au style ronflant mais à l’action pour sauver ce pays qui n’existe plus sur la carte politique.»

© Mai 2014 RADIO SIRIRI

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