Dossier : L’Organisation de la coopération islamique, à quoi ça sert ?

Radio Siriri March 11, 2014 0

oci

Fatima K. Lamine 

(LNC) — Dans une précédente édition, nous annoncions la nomination de l’envoyé spécial de l’Organisation de la coopération islamique, acronymée OCI en Centrafrique, en la personne de l’ex diplomate sénégalais Cheikh Tidiane Gadio. 

Mais peu avaient saisi l’importance de cette nomination, par manque de connaissance de la nature de cette Organisation de la coopération islamique.

L’O.C.I POUR LES NULS

L’Organisation de la coopération islamique, OCI, en arabe : منظمة التعاون الإسلامي, vit le jour le en 1969 à RABAT au Maroc.
Elle fut créée à l’initiative du Royaume du Maroc et sur décision du Sommet historique de Rabat le 25 Septembre 1969, suite à l’incendie criminel de la Mosquée Al-Aqsa, d’Al-Qods occupée.

C’est la deuxième plus grande organisation intergouvernementale mondiale après les Nations Unies, et regroupe 57 États membres, essentiellement musulmans, éparpillés sur les 4 continents, mais pas que. 12 États laïcs en font également partie. 
Cette organisation dont le siège est situé à Djeddah, en Arabie saoudite, possède une délégation permanente aux Nations unies.
Organisation supra-étatique et internationale à caractère non religieux (selon elle), elle a pour objectifs primordiaux d’améliorer et de consolider les liens de fraternité entre ses Etats Membres, de sauvegarder les intérêts communs de la Oumma, de respecter la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de chaque Etat Membre, de renforcer la coopération économique et commerciale intra islamique en vue de la création d’un Marché Commun Islamique susceptible de promouvoir un développement humain intégral et durable de tous les Etats Membres, et de protéger et défendre l’image de l’Islam, en encourageant le dialogue entre les civilisations et les religions.

Ses buts et objectifs détaillés.
– Consolidation de la solidarité islamique entre les États membres, 
– Renforcement entre eux à différents niveaux : économiques, sociaux, culturels, scientifiques, mais surtout financiers.
– Lutter contre la discrimination raciale et le colonialisme sous toutes ses formes,
– Prendre les mesures nécessaires pour consolider la paix et la sécurité mondiale fondées sur la justice,
– Coordonner l’action pour sauvegarder les lieux saints, soutenir la lutte du peuple palestinien et l’aider à retrouver ses droits et à obtenir par la diplomatie, les territoires revendiqués comme leurs,
– Consolider la lutte de tous les peuples musulmans pour la sauvegarde de leur dignité, leur indépendance et leurs droits nationaux.

Mais l’O.C.I c’est aussi un soutien financier à toute une ribambelle d’associations humanitaires dans le monde à connotation musulmane.

Les organes principaux de l’organisation sont :
– Le Sommet Islamique composé des Rois et des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres, instance suprême de l’Organisation qui se réunit tous les trois ans pour prendre des décisions politiques, donner des directives sur toutes les questions afférentes à la réalisation des objectifs et examiner d’autres questions qui préoccupent les Etats membres et la Oumma.
– Le Conseil des Ministres des affaires étrangères, qui se réunit annuellement et examine les moyens de la mise en œuvre de la politique générale de l’Organisation, et ce , entre autres : En adoptant des décisions et résolutions sur les questions d’intérêt commun dans le cadre de la mise en œuvre des objectifs et de la politique générale de l’Organisation ; en examinant l’état d’avancement de la mise en œuvre des des décisions et résolutions adoptées les précédents Sommets et Conseil des Ministres des affaires étrangères
Le Secrétariat général qui est l’organe exécutif de l’Organisation, chargé d’appliquer les décisions arrêtées par les instances de décisions précitées.

DES ENTRISMES SUPRA-NATIONAUX CONTESTEES

Pour ses opposants, l’O.C.I ne serait que la base avancée sous couvert d’actions humanitaires de la propagation de l’Islam et des lois islamiques (Chariah) dans le monde.
L’Arabie Saoudite, pays pas réputé pour son sens de la démocratie et des libertés individuelles, pratiquant un Islam violent, machiste et moyenâgeux a toujours considéré l’O.C.I comme étant sa propre chasse gardée. 
Elle y pèse terriblement, ne serait-ce que de par son poids financier sans limite.

Le Nigéria agacé, finit par se retirer de l’Organisation en 1991. Une décision que l’OCI d’autorité avait refusé de reconnaître, faisant du Nigéria, un pays membre malgré lui.

25 pays africains en font partie, attirés pour certains par la manne financière de l’Organisation.
Et bien que représentant près de 50% des Etats membres, comme à l’ONU, les pays africains n’y font que de la figuration.
L’hégémonie saoudienne dans l’organisation sert souvent de repoussoir.
Ce qui approfondit les divisions au sein de l’OCI, et favorise les intérêts privés.
22 des 57 Etats membres de l’OCI sont également membres de la Ligue des Etats arabes, reconnue pour être en constant conflits internes depuis l’éclatement des révolutions Arabes.
Outre le fait que certains de ces pays sont ouvertement favorables au soutien d’organisations djihadistes terroristes dans le tiers monde.

QUE FAIT L’O.C.I EN CENTRAFRIQUE ?

La Centrafrique n’est pas membre de l’O.C.I.
La République Centrafricaine depuis 1996 y a un statut d”ETAT OBSERVATEUR’ uniquement, mais non de membre.
Ce qui interpelle sur la nomination dans ce pays d’un représentant, ambassadeur en quelque sorte de l’O.C.I.
Est-ce une manière autoritaire de préparer son intégration dans l’Organisation de la coopération islamique ?
Et quel document légal côté centrafricain valide-t’il cette nomination ? A notre connaissance, aucun. 
Cheikh Tidiane Gadio en RCA y sera de manière ‘sauvage’ hors cadre légal.
D’ou la mise au point faite à LNC par le secrétariat de l’O.C.I. contacté :
“Cheikh Tidiane Gadio ne sera pas ambassadeur de l’O.C.I en République centrafricaine, mais seulement son envoyé spécial, dans le cadre d’une mission humanitaire et de paix, comme il l’avait précédemment fait au Mali”.

Mais rien dans la Charte de l’Organisation ne l’autorise a envoyer un représentant dans un pays non membre, fut-il pays observateur.
Par ailleurs, Bangui fut mis devant le fait accompli.
La Centrafrique ne fut pas consultée préalablement par l’O.C.I pour l’envoi de Cheikh Tidiane Gadio en RCA.
Ce fut une décision prise unilatéralement à Djeddah (Arabie Saoudite) par l’O.C.I le 20 février dernier. 

LES EN DESSOUS D’UNE IMPLICATION
Tout a commencé le mercredi 29 janvier à N’djamena, lorsqu’une mission de l’Organisation de Coopération Islamique s’y rendit pour rencontrer les responsables politiques tchadiens, suite à l’arrivée au Tchad de dizaines de milliers de musulmans centrafricains fuyant les exactions des Anti-Balaka contre eux. 

Mal reçues au Tchad, mal traitées, voyant même le peu d’aide financière reçue, détournée, ces personnes réfugiées vivaient et vivent toujours au Tchad dans des conditions humanitaires dramatiques; ce qui avait alerté l’OCI pour y aller évaluer les besoins nécessaires et endiguer une crise dans la crise et surtout, pour éclairer le monde musulman sur l’ampleur de cette tragédie.

Et pour les autorités de N’djamena, au plus tôt ces encombrants réfugiés centrafricains retourneront chez eux, le mieux ce sera.

Conséquence….L’Arabie Saoudite avait décidé d’aller agir à la ‘source’ en RCA par l’entremise de l’O.C.I.
Ce qui explique cette nomination unilatérale de Cheikh Tidiane Gadio en RCA en tant qu’envoyé spécial.

Or durant une année ou les Séléka massacraient en toute impunité les populations en Centrafrique, détruisaient tout ce qui encore tenait debout, la Oummah islamique n’avait pas cru utile d’agir. Elle était absente, laissant faire comme d’autres (européens et américains), et ne condamnant même pas.

Sa soudaine agitation pour la Centrafrique semble très suspecte.
Car qu’y a t’il derrière tout cela ?

cheick
Samedi à Dakar, Cheikh Tidiane Gadio a fait une déclaration à la presse sur la situation.
Propos complet recueillis par notre correspondant à Dakar :
“La Oummah islamique nous fait confiance dans un dossier extrêmement difficile, extrêmement sensible, [...] j’ai parlé à beaucoup d’amis de la classe centrafricaine bien avant cette nomination, je m’étais même permis, d’appeler au téléphone madame la présidente, parce que je me réjouis qu’une femme soit désignée pour diriger la transition, parce que je crois au leadership féminin, je me suis permis de l’appeler une fois, et de discuter avec elle des scénarios de sortie de crise qu’elle avait beaucoup approuvés. [...] Maintenant, il est question d’aller rejoindre tous ceux qui sont sur le terrain, qui ont fait beaucoup d’efforts, beaucoup de sacrifices, beaucoup d’engagements pour aider la Centrafrique à résoudre ses problèmes. [...] Je n’y vais pas, sur le rapport d’un musulman qui intervient dans une crise où il y a des musulmans qui ont des problèmes, non, j’y vais, parce que je suis panafricain, mais en ma qualité de panafricain, parce que le peuple centrafricain est indivisible, dans ses difficultés, dans ses problèmes; et nous y allons pour y apporter le concours de la Oummah islamique. Mais un concours très simple pour le dialogue politique, pour la réconciliation nationale, mais avant tout, pour l’arrêt et la cessation des hostilités et des tueries, pour que l’on puisse engager le dialogue politique, l’on puisse engager l’assistance humanitaire, et la reconstruction économique de la Centrafrique.” 

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